Maison / Verrerie
La collection de verre du Musée national de Peleş, riche de plus de 1 500 pièces, s'est constituée en deux grandes étapes, étroitement liées à l'histoire du château auquel elle était destinée. Une première étape décisive est celle des acquisitions et commandes de la famille royale, entre 1866 et 1941, et une seconde étape, celle des acquisitions du Musée de Peleş, entre 1969 et 1974.
L'initiative de constituer une telle collection revient au roi Carol Ier, ses successeurs, parmi lesquels la reine Maria, se distingueront, continuant d'enrichir la précieuse collection déjà existante.
La collection comprend des pièces d'origine allemande, italienne, autrichienne, française ainsi que des vases en cristal de Bohême ou anglais, fabriqués dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Par les types de commandes et les acquisitions de nouvelles pièces inspirées de modèles d'époque, le roi Carol Ier appartient au domaine des commissaires d'art historique. Ainsi, la séquence allemande illustre des modèles décoratifs des XVIe et XVIIe siècles, appartenant à la Renaissance et au baroque : une iconographie symbolique, des effigies impériales, des princes électeurs, des chevaliers, des armoiries de familles nobles allemandes.
Une place importante dans la collection, non seulement en raison du grand nombre de pièces, mais aussi grâce aux produits des manufactures de Murano, acquis entre 1900 et 1920 auprès de la « Compagnie de Venise et de Murano », dirigée par Giulio et Amalia Salviati. Ces ateliers produisaient des pièces au caractère historiciste, inspirées d'originaux des XVIe et XVIIe siècles, témoignant du talent et du savoir-faire des verriers, un savoir-faire perpétué de génération en génération jusqu'à nos jours. L'identité des pièces réside dans les qualités chromatiques exceptionnelles du verre transparent ou irisé, dans la grâce des formes et dans leur élégance fragile, un domaine dans lequel le savoir-faire des verriers de Murano demeure inégalé. Le répertoire décoratif de ces objets d'art nés dans la lagune vénitienne se compose de caravelles, d'animaux marins, de dragons, de cygnes, de serpents, de mascarons, de guirlandes florales, etc. La collection s'est également enrichie de produits réalisés dans un « style moderne » : des vases aux riches irisations, aux couleurs du scarabée Cantarida, des perles « millefiori » et autres.
Outre les pièces représentatives, la famille royale possédait également une série de pièces usuelles : services de table en cristal français (Baccarat, Saint Louis) finement gravés de motifs végétaux ; service à liqueur ou garniture de fleurs en cristal de Bohême, décoré de scènes de chasse ou de motifs floraux gravés et dorés ; service à boire en cristal anglais (Webb) taillé en pointe de diamant et gravé d'un chiffre royal surmonté d'une couronne fermée.
Français Un autre domaine de référence vers lequel la Famille Royale se concentre dans ses commandes est celui de l'Art 1900. Les ateliers viennois Lobmeyr, fournisseur de la Cour Impériale, reçoivent une commande de la Maison Royale roumaine pour un service en cristal comprenant des verres, des bols, des soucoupes, décorés de scènes rurales peintes à l'or colloïdal, comme l'atteste une facture de 1908. Le même domaine est également circonscrit par le service de toilette en cristal double couche (blanc - rubis), décoré par Josef Hoffmann, ainsi que par les vases en verre aux belles irisations aux effets plastiques, travaillés dans les ateliers Loetz' Witwe.
Grâce à la princesse Marie, devenue reine en 1914, la collection royale de verrerie s'enrichit de pièces remarquables, expressions du style Art nouveau. Marie appréhende le phénomène de l'art de 1900 à travers sa propre perception, celle d'artiste et de collectionneuse. Elle acquiert des œuvres d'Émile Gallé (les vases exceptionnels Muse paradisiacă, Claire de lune, etc.), de René Lalique (les vases Tortues, Chamarande, les assiettes Côtes, etc.), d'Auguste et Jean-Antonin Daum (lustre, vases camées), de Christian Désiré, de Jean Sala, de G. Argy-Rousseau, d'Almaric Walter et de Louis Comfort Tiffany (service à boire en verre Favrile, lampe de bureau, etc.).
La princesse d'origine britannique, fervente partisane du renouveau des traditions artisanales promu par les ateliers Arts and Crafts en Angleterre, a elle-même créé des œuvres dans l'esprit Art nouveau. Parmi les autres réalisations de la reine Mary figure un ensemble de six verres, fabriqués dans un atelier autrichien et peints par elle de motifs floraux, conservés dans la collection de verre du Musée national Peleș.
Les acquisitions et commandes de la famille royale à l'étranger s'accompagnaient d'une politique volontariste de promotion de l'industrie verrière nationale. À cet égard, il convient de mentionner les manufactures d'Azuga et de Mediaş, auxquelles des pièces furent commandées : des services traditionnels, personnalisés au monogramme royal, ou modernes, de style Art déco. C'est le cas du service en verre fumé exposé au château de Pelisor, réalisé par les ateliers d'Azuga à l'époque où ils avaient pour directeur artistique Emerico Montesy, disciple des frères Daum et d'Émile Gallé, qui avait étudié l'art du verre à Nancy.
Entre 1969 et 1974, le Musée Peleş poursuit une politique d'acquisitions soutenues auprès de particuliers (de Bucarest, Braşov, Râşnov), visant à compléter la collection existante avec des objets en cristal de Bohême, mais surtout avec des pièces Gallé, Daum, Lalique.
Les intérieurs des musées de Peleş et de Pelişor exposent certaines des pièces les plus précieuses de la collection et offrent au public visiteur une rencontre avec le monde délicat et fragile du verre d'art.