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[stag_toggle style=”normal” title=”Détails de la pièce” state=”closed”]Portrait du prince Ferdinand
Antonio Argnani (1868 – 1947)
Pastel/carton, École italienne,
¼ s. XX[/stag_toggle]

Au début du XXe siècle, la Cour royale de Roumanie accueillit l'un des portraitistes les plus célèbres de l'époque, Antonio Argnani. Né à Faenza le 21 février 1868, Antonio Argnani se passionna pour le dessin dès son enfance, baignant dans un environnement artistique. Personnalité aux multiples facettes, son père, Federico Argnani (1822-1905), céramiste et lithographe, enseigna le dessin à l'École technique de Faenza et dirigea la Pinacothèque de Faenza. En 1889, il publia une longue histoire de la céramique locale, des origines au XVIe siècle. Antonio prit ses premiers cours de dessin dans sa ville natale auprès de Filadelfo Simi (1849-1923), peintre et sculpteur académique, diplômé de l'Académie de Florence, où il devint plus tard professeur. Simi donna des stages à Paris et en Espagne et mena une activité fructueuse d'exposition dans toute l'Europe. Ces cours avec Simi allaient grandement façonner sa carrière artistique.

Le jeune Antonio fit des voyages documentaires à Rome et à Naples. Plus que toute autre ville italienne, Naples, avec ses ciels pastel se reflétant dans les eaux de la baie, la silhouette fantomatique du Vésuve, ses palais, ses églises et ses vieux quartiers colorés, captiva son imagination artistique pendant près d'une décennie. Entre 1882 et 1891, il s'y installa et perfectionna son talent inné de dessinateur par un travail acharné. Il mena une vie de bohème, dessinant principalement des portraits au pastel sur carton. Argnani tomba sous le charme de l'artiste napolitain Domenico Morelli (1826-1901), l'un des plus grands peintres napolitains du XIXe siècle et homme politique accompli. La peinture de Morelli, imprégnée des idées du Romantisme, aux forts accents médiévaux, assimila les idées du nouvel art, centré sur des thèmes mystiques et surnaturels, appelé « peinture métaphysique ». Entre 1899 et 1901, Morelli occupe le poste de directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Naples et son influence sur la peinture de son jeune protégé durant la période napolitaine est écrasante.

Ambitieux de nature, Argnani ressentait le besoin de changement. Arrivé à l'âge adulte – il avait quarante-deux ans –, il sacrifia la routine d'une vie tranquille mais médiocre à la gloire et à l'argent. Antonio Argnani quitta Naples plein d'espoir pour Paris. La confirmation ne se fit pas attendre : en 1904, « Portrait de dame », son premier succès parisien, déclencha une avalanche de commandes. Beautés et célébrités de l'époque issues des milieux sociaux et artistiques les plus divers – acteurs, écrivains, artistes lyriques, aristocrates – devinrent sa clientèle. Cependant, son talent se révéla surtout dans les portraits féminins, ce qui lui valut le titre de « Peintre de la grâce féminine ». Argnani sait sublimer les femmes, les enveloppant de touches délicates d'une aura mystérieuse et fluide de voiles transparents, de chapeaux à plumes, de guirlandes florales et de bijoux captivants. Sensuelles mais inaccessibles, aux couleurs pastel, les dames d'Argnani sourient discrètement au spectateur, tandis que ses portraits masculins respirent l'expressivité et l'élégance. Argnani étudie attentivement ses modèles et sait saisir leur caractère à travers les moindres détails, un simple geste de la main, mais surtout le regard. Les yeux, véritables miroirs de l'âme, sont ceux sur lesquels il concentre toute son attention. Ils deviennent le point central de l'œuvre : autour d'eux, telle une spirale en mouvement, se développe toute la composition.

Le monde coloré de Paris, avec ses quartiers cosmopolites, Montparnasse et Montmartre, véritables ruches humaines, l'accueillit à bras ouverts. L'atmosphère bohème de la ville, où universités et ateliers d'artistes cohabitaient dans un quartier convivial avec les cabarets et les maisons closes des folles années du début du XXe siècle, le fascina sans pour autant le transformer en artiste de la frivolité. Parallèlement, Argnani voyagea à Londres et à New York, où il réalisa un nombre impressionnant de portraits. En 1927, certaines de ses œuvres furent exposées à la galerie Maurice Chalom, dans le cadre d'une exposition personnelle.

Argnani reste fidèle à la technique du pastel jusqu'au bout. Il ne comprend pas les nouvelles tendances picturales : les nus de son compatriote Modigliani, l'artiste maudit, qui conquiert peu à peu la Ville Lumière, lui paraissent extravagants, le cubisme, incompréhensible, et le futurisme de Marinetti et Boccioni, réactionnaire. Argnani se réfugie dans le dessin avec la passion d'un homme convaincu que l'art ne peut fonctionner au-delà des limites de la décence et du bon goût.

En 1930, après les années bohèmes parisiennes, Argnani s'installa dans sa villa d'Antibes, nichée dans le magnifique paysage des Alpes-Maritimes, dans le sud-est de la France, où il se consacra à sa famille. Le besoin de refuge et son caractère conservateur l'éloignèrent à jamais de l'agitation des grandes villes. Ses fils, Eugenio et Federico, héritèrent de son talent artistique, le premier comme graveur et historien de l'art, le second comme ébéniste. Il mourut en 1947, après les tribulations de la guerre. Il laissa derrière lui des milliers de portraits et, avec eux, un monde disparu, mais qui avait pleinement connu le luxe et l'élégance de la Belle Époque.

La période parisienne de sa création lui a permis de rencontrer la famille royale et princière roumaine, qui lui a commandé des portraits au début du siècle dernier, vers 1910-1912. Le roi Carol et la reine Élisabeth, la princesse Maria et le prince Ferdinand, leurs enfants, les princes Carol et Nicolae, les princesses Élisabeth, Mignon et Ileana, deviennent, par la main de l'artiste, des modèles empreints d'élégance et de tendresse. La plupart de ces portraits figurent au château de Peleşor, résidence privée du couple Ferdinand-Maria, et font partie du patrimoine du Musée national de Peleş.

D'après le portrait réalisé par Argnani, l'héritier du trône de Roumanie, Ferdinand de Hohenzollern-Sigmaringen, en uniforme militaire, coiffé d'une casquette et décoré sur la poitrine, nous regarde encore aujourd'hui. Dans son style bien connu, l'artiste esquisse les accessoires en quelques coups de pinceau ; l'ordre, indéchiffrable, est réduit à un simple ruban. La silhouette du personnage, en revanche, l'absorbe totalement : chaque détail compte dans l'économie de la composition. L'artiste place son modèle au-dessus de la perspective afin de suggérer sa distinction, sa position sociale et son intellectualité, mais aussi sa timidité, sa tendance à la réclusion et sa réserve volontaire. Les yeux sincères, d'un bleu étonnamment vif, aux reflets d'intelligence, préservent le tableau du danger du stéréotype et de l'obscurité. Les couleurs pastel, dans des tons d'ocre, de brun et de gris colorés, contribuent à l'impression générale de subtilité, d'élégance et de distinction.

Macrina Oproiu, conservateur

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